Comprendre l’industrie musicale par Fanfan Mongbondo (1ère partie)

Les rares labels de musique qui vivotent encore sur le marché RD-Congolais entretiennent depuis toujours un dialogue des sourds avec les artistes musiciens et cela s’est accentué encore plus de nos jours.

Les relations entre labels et artistes se soldent souvent par des clashs. L’ignorance semble être la principale cause de cette incompréhension quasi-généralisée car si les uns se défendent en disant vouloir limiter l’importance de la perte, les autres qui s’estiment floués ne veulent pas être roulé par les premiers.

Il sied avant tout de signaler que notre pays n’a pas d’industrie de musique proprement dite car il n’a ni infrastructure, ni réseaux de distribution établis, etc. ce qui ne facilite pas les choses pour ceux qui ont choisi la vente des produits de musique comme gagne-pain et « activités génératrices des richesses ».

Mon passage de 2007 à 2018 comme A&R dans un label de musique œuvrant à Kinshasa mais dont le siège social est basé à Londres m’a poussé à faire des recherches pour comprendre le fonctionnement de l’industrie musicale internationale. Je vous épargnerais de rentrer dans les détails car il faudrait un livre entier de plusieurs pages pour expliquer le fonctionnement de l’industrie de la musique à l’instar des autres industries. L’essentiel de mon intervention s’appesantira sur comment les labels et les artistes gagnent de l’argent dans la musique et comment peuvent-ils collaborer.

Pour la petite histoire, c’est à la faveur du génie grec et juif qu’a émergé dans les années 1940 à Léopoldville (Kinshasa actuel) cette industrie qui faisait que, jusque dans les années 1980, avant la débâcle de la Manufacture zaïroise du Disque (Mazadis) et de la Société phonographique et industrielle du Zaïre (Sophinza), la République démocratique du Congo exportait, en termes de supports (et d’ambiance), sa musique. A cet époque la RDC pressait 5millions de CD par an.

Aujourd’hui, le paradoxe est criant : le pays importe sa propre musique en termes de CD, de supports vidéo considérés comme artefacts culturels usinés à Paris et soumis à l’imposition douanière avant d’être consommés par des citoyens congolais vivant sur le territoire national.

Ils sont ainsi nombreux à intervenir dans le processus de création : compositeurs, auteurs, arrangeurs, adaptateurs, producteurs et artistes-interprètes. Nous allons donc présenter le rôle des différents ayants droits du droit d’auteur et du droit voisin.

  • L’auteur 

L’auteur est un terme à la fois spécifique et général.

De manière spécifique, il désigne celui qui écrit les paroles d’une œuvre. On le nomme aussi parfois « parolier ».

De manière générale, il désigne l’ensemble des ayants droits. Dans les contrats notamment, on utilise le terme « Auteur » pour représenter le compositeur, l’auteur, l’arrangeur et l’adaptateur. Dans ce cas là, le terme est souvent en majuscule.

  • Le compositeur

Dans l’industrie du disque, les principaux intervenants sont les suivants : au départ il y a l’artiste (ou le compositeur, ou le groupe musical, etc.) qui propose une œuvre ; le producteur enregistre l’œuvre et fabrique un prototype (un master) ; l’éditeur reproduit ce master sur des supports du commerce (disques en vinyle, disques compacts, cassettes, etc.) ; le distributeur démarche les points de vente, qui sont au contact du consommateur final. Certaines entreprises sont spécialisées dans une des phases de la chaîne, d’autres sont polyvalentes.

  • L’arrangeur

L’arrangeur intervient sur la composition de l’œuvre, donc sur le travail du compositeur.

Il apporte des améliorations sur le placement des notes, le choix des instruments. De plus, il maitrise les techniques d’écriture, d’instrumentation voir d’orchestration. Enfin, sa mission est d’enjoliver la musique, lui apporter des touches subtiles qui vont faire que ça « sonne ». Lors de l’ajout d’un titre sur la plateforme, il est ainsi possible d’ajouter un arrangeur dans les clés de répartition.

  • L’adaptateur

L’adaptateur quant à lui intervient sur les paroles, donc sur le travail de l’auteur. Il travaille le texte avec la musique, les rythmes et les harmonies, la compréhension du texte, etc. Il est en charge de la traduction et de facto de l’adaptation des paroles dans d’autres langues.

  • L’artiste interprète 

L’artiste-interprète est celui qui « chante, récite, déclame ou joue » l’œuvre créée selon la définition du code de la propriété intellectuelle. Il peut cumuler d’autres rôles et être aussi auteur et/ou compositeur. C’est le cas souvent des compositeurs auto-produits.

L’artiste interprète n’est pas concerné par les droits d’auteur mais par les droits voisins

Il est rémunéré par le producteur via un contrat d’enregistrement.

  • Le producteur

Le producteur est celui qui finance la création de l’œuvre et permet également aux artistes interprètes d’enregistrer sur un support physique appelé « master ». Souvent il réalise le mixage et, le mastering du titre. Parfois il réalise la direction artistique de l’œuvre.

Comme l’artiste interprète, il ne perçoit donc pas de droits d’auteurs. Il détient le master et se rémunère ainsi sur la reproduction mécanique de l’œuvre. Avec l’avènement des home-studios, beaucoup de compositeurs via la MAO sont donc aussi leur propre producteur.

Au-delà du fait qu’il soit un art, la musique est avant tout un business… c’est-à-dire qu’il y’a investissement donc il doit avoir un retour sur investissement à garantir

En 2020, le marché global de la musique avait inscrit une croissance de 7,4 %, enregistrant des ventes de 21,6 milliards de dollars, une performance réalisée surtout grâce aux plateformes de diffusion en ligne, qui ont connu une hausse de 18,5 % en 2020, avec pas moins de 443 millions d’abonnés.

De quoi vivent les artistes ?

De nos jours les musiciens ne vivent plus des ventes de disques qui se sont effondrées depuis l’avènement d’internet, mais bien des concerts, tournées, showcase, merchandising (pub), live striming, financement participatif, mécénat,  et autres qui sont devenus la principale source de revenus de pléthore d’artistes.

Hormis les canaux de rentrer d’argent cités ci-haut, nous pouvons aussi cité les droits d’auteur et droits voisins qui du reste sont très mal collectés dans notre pays et ce, malgré la volonté des acteurs de la musique en RDC de reformer.

Beaucoup de professionnels de la musique ont entendus parler des droits d’auteurs et droits voisins mais très peu n’en connaissent la ligne de démarcation.

Le droit d’auteur protège en effet les créateurs d’œuvres originalestandisque les droits voisins ressemblent aux droits d’auteur par les prérogatives qu’ils accordent. Ils ont pour objectif de protéger la contribution artistique ou financière investie dans la création littéraire et artistique.

Taux et répartition :

Bon nombres d’artistes se posent sûrement la question de savoir comment sont répartis les droits voisins et les droits d’auteurs ? Que touchent les éditeurs ? Qu’est ce qui rapporte le plus à l’auteur : la diffusion d’un disque ou l’interprétation live d’une œuvre ?

Nous allons en parler dans la deuxième partie de cette tribune. A lundi prochain !

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