Comprendre l’industrie de la musique par Fanfan Mongbondo (2e partie)

Bon nombres d’artistes se posent sûrement la question de savoir comment sont répartis les droits voisins et les droits d’auteurs ? Que touchent les éditeurs ? Qu’est ce qui rapporte le plus à l’auteur : la diffusion d’un disque ou l’interprétation live d’une œuvre ?

L’industrie musicale n’existant pas et les droits d’auteur et droits voisins éprouvant des difficultés à être collecté en RDC, nous avons choisi le modèle français pour que nos lecteurs puissent mieux comprendre comment ça marche.

Les droits patrimoniaux

L’auteur·e-compositeur (trice) et son éditeurs éventuels sont rémunérés en droits patrimoniaux (droits d’auteur) selon les différentes « utilisations » de ses œuvres : interprétation live, diffusion publique, …
Les interprètes et producteurs des enregistrements de ses œuvres touchent aussi des droits patrimoniaux, dits « voisins » du droit d’auteur.

DEP (droit d’exécution publique) LES DROITS DE REPRÉSENTATION sont collectés sur les diffusions radios, télévisions, et concerts live, ou toute interprétation d’œuvres en public

DROITS D’AUTEUR

  • Ces droits dits « DEP » sont répartis statutairement par la SACEM
    — pour une œuvre confiée à un éditeur, 1 tiers est reversé aux auteurs, 1 tiers aux compositeurs et 1 tiers à l’éditeur
    — pour une œuvre inédite (pas de contrat avec un éditeur), la totalité des droits d’auteur est versée aux créateurs, à part égale entre auteurs et compositeurs.
     On peut néanmoins déroger à cette clé de répartition en choisissant de l’indexer sur la répartition des DRM

DRM (droit de reproduction mécanique) LES DROITS PHONOGRAPHIQUES sont les droits patrimoniaux générés par la duplication et la copie des œuvres enregistrées (disque, streaming, vidéos, etc) diffusées dans le cadre familial et privé.

DROITS VOISINS

  • 25% (1 tiers si vidéo) pour le producteur phonographique (label ou maison de disque, collectés et répartis par la SCPP ou la SPPF)
  • 25% (1 tiers si vidéo) pour les artistes interprètes (collectés et répartis par l’ADAMI ou la SPEDIDAM)

DROITS D’AUTEUR

  • 50% (1 tiers si vidéo) pour les créateurs et éditeurs (collectés et répartis par la SACEM)

Cette répartition entre éditeurs et artistes créateurs n’est pas imposée par la SACEM est peut être choisie et négociée entre les parties.
— usuellement 50% des droits d’auteur sont collectés pour l’éditeur (si l’œuvre est éditée), 25% aux auteurs, et 25% aux compositeurs. Cette répartition en pourcentages figure sur le bulletin de déclaration de l’œuvre déposée à la SACEM.

DRM (droit des radios mécaniques) LES DROITS DE REPRODUCTION LIES A LA DIFFUSION sont les DRM spécifique à la diffusion publique : radio, télévision, sonorisation publique, etc. Contrairement aux DRM et comme pour les DEP.

DROITS VOISINS

  • Les droits des producteurs et interprètes sur la diffusion publique d’enregistrements sont collectés et répartis par la Rémunération équitable.

DROITS D’AUTEURS

  • Ces droits sont ainsi indexés par les statuts de la SACEM :
    — 25% pour les auteurs, 25% pour les compositeurs, 50% pour les éditeurs
    — si l’œuvre n’est pas éditée : 50% pour les auteurs, 50% poru les compositeurs.
     On peut aussi déroger à cette clé de répartition en choisissant de l’indexer sur la répartition des DRM
     Les Droits collectés auprès de France Télévision sont perçus par la SCAM et la SACD depuis 2010 et non plus par la SDRM.

Les artistes-interprètes et les producteurs bénéficient de droits sur l’utilisation de leurs enregistrements.

  • La Rémunération Équitable est due chaque fois que de la musique enregistrée (CD, radio, ordinateur…) est diffusée au public. Elle concerne donc directement les radios, chaînes de télévisions, organisateurs d’événements, discothèques mais aussi les restaurateurs et les commerçants diffusant de la musique et tous les lieux publics sonorisés (parkings, salles d’attentes, centres commerciaux, etc).

Depuis 1985 ART. L 122-5 2° DU CPI, la Copie Privée rémunère les créateurs, les éditeurs, les interprètes et les producteurs sur la vente de supports vierges ou du matériel permettant de copier de la musique.

  • Cette rémunération est collectée par Copie France directement auprès des fabricants et des importateurs de supports numériques et d’appareils d’enregistrement utilisés pour la copie. Ceux-ci reportent le montant de la redevance sur le prix payé par le consommateur.
    Ainsi un client qui achète en magasin une clé USB réglera environ 1,5$ TTC de copie privée. Le prix TTC d’un smartphone comprend en moyenne 10$ de copie privée, alors qu’une disque dur de moins de 5To incluera une redevance de 6€. TARIFS APPLICABLES (COPIEFRANCE.FR) La copie privée est en effet calculée selon un barème qui prend en compte la capacité de stockage du support.
  • ▶ 37,5% des sommes collectées sont directement reversées aux créateurs et aux éditeurs via la SACD et la SDRM qui collecte pour la SACEM
    ▶ 18,75% aux interprètes via l’ADAMI et la SPEDIDAM
    ▶ 18,75% aux producteurs via la Société Civile des Producteurs Associés (SCPA) qui reverse à la SPPF et à la SCPP.
  • Le reste des sommes collectées financent des actions culturelles et soutiennent des festivals et salles de spectacles, ou donnent un coup de pouce aux jeunes créateurs.
    Copie France reverse les sommes perçues aux sociétés précitées, qui les redistribuent aux ayants droits : SDRM (pour la SACEM), SACD, ADAMI, SPEDIDAM, et SCPA (qui collecte pour la SPPF et la SCPP).

Si les artistes peuvent désormais se passer de label, comme le prouve la récente tendance à l’auto production, il existe des acteurs indispensables aux artistes dans l’industrie musicale.

Chacun d’entre eux intervient dans le processus global, que cela soit en amont avec la mise à disposition de subventions, ou bien en aval à travers la distribution. Chaque intervenant va donc naturellement réclamer une part du butin.

Une fois un projet musical disponible en ligne et en magasin, que reste-il donc à l’artiste ?

  1. L’état

Estimons qu’un disque soit commercialisé à 15$ toutes charges comprises. Le premier acteur réclamant son dû se trouve être l’Etat, avec une déduction de 20% de TVA. Cela représente ainsi 3$ pour un disque vendu à 15$ TTC.

  • Les sociétés de droits d’auteurs

Sur les 12$ restants, la SACEM, la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, récupère un pourcentage de 8,7%. Ce pourcentage est prélevé dans le but de rémunérer les compositeurs, auteurs et éditeurs français. Cette organisation propose aussi un soutien à la création, avec la possibilité de mettre en place des aides pour certains projets.

Les 3 missions essentielles de la société des droits d’auteurs

Collecter et repartir les droits d’auteur – promouvoir et soutenir les créateurs – défendre et protéger les membres.

  • Le distributeur

Par la suite, l’artiste se doit de faire distribuer son album afin qu’il soit disponible partout. Pour cela, il peut choisir de le commercialiser seulement en magasin, ou bien également en version digitale, par le biais d’un agrégateur sur internet.

Il existe plusieurs sociétés françaises spécialisées dans la distribution numérique comme Idol ou le leader européen : Believe Digital. Les artistes peuvent aussi faire le choix de se tourner vers un agrégateur : un distributeur dématérialisé plus accessible, comme Spinnup ou TuneCore.

De manière générale, sur un simple contrat de distribution, un distributeur va récupérer 23% sur les ventes physiques et environ 20% pour le digital. Bien sûr, chaque contrat est unique, et comme souvent, les taux peuvent être négociés selon la popularité et la force commerciale de l’artiste.

  • Le label et l’artiste :

Enfin, après déduction des parts relatives à l’Etat, à la SACEM ainsi qu’au distributeur, il reste en moyenne un peu moins de 50% des recettes issues des ventes, soit 7,20$ dans notre cas. Si l’artiste en question est signé au sein d’un label, c’est cette structure qui va récupérer le reste des revenus.

En règle générale, l’artiste est rémunéré pour les ventes de son projet à hauteur de 10% de la part reçue par le label ou le producteur. Dans notre cas, l’artiste va ainsi toucher un peu plus de 4% des ventes globales, soit 72 centimes par album vendu.

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Répartition des revenus d’un abonnement streaming

Cette rémunération s’explique par la prise de risque financière du développement de projet de l’artiste, mais aussi par toutes les charges du label relatives à l’album, comme les heures d’enregistrement studio ou les différents cachets versés à l’artiste.

Enfin, le contrat avec le producteur est bien évidemment négociable. Le taux de 10% offert par le label engendrant une rémunération pour l’artiste estimée à 1$ par album vendu reste une moyenne.

Dans le cas ou l’artiste s’est auto-produit sans passer par une structure phonographique, il peut alors bénéficier de davantage de revenus, soit la moitié des recettes. Cependant, les moyens mis à disposition pour le développement ainsi que la promotion de son album ne seront peut-être pas aussi importants, et cela pourrait se faire ressentir sur les recettes de vente…

En résumé :

La musique est avant- tout un business qui nécessite un investissement en temps, en argent et même en énergie. La chanson, l’album sont des produits qui ont besoin de capitaux non seulement pour la production, la promotion et la distribution. Celui qui investi ne fait pas par de cadeau, il le fait car il attend un gain en retour, mieux il espère faire des bénéfices.

Un label ne paie pas de salaire à un artiste mais donne une avance sur les revenus à minima qu’il espère gagner en vendant la musique de l’artiste signé. Si l’artiste n’arrive pas à vendre, il n’est pas rentable pour le label et dans la plupart des cas, il arrête d’investir dans les projets de l’artiste et ne le laisse pas partir en paix jusqu’à ce qu’il rembourse au minimum l’avance perçu et dans la plupart des cas, le label réclame même la moitié des frais investis dans les clips et autres…

Les artistes doivent donc prendre au sérieux leurs jobs, s’entourer des gens intelligents qui connaissent, comprennent les enjeux et qui sont rompus à la tâche. Ils doivent bien lire les contrats qui leur sont proposés, au besoin engagé des cabinets d’avocat pour éviter de tomber dans des pièges contractuels car chacun négocie toujours au mieux de ses intérêts.

Ils doivent se méfier du plaisir d’être signé par un label car un mauvais label peut être un frein à leurs carrières car la plupart des labels en RDC sont composés d’un personnel recruté par sentiment et complaisance.

Pour que la confiance revienne et que le climat soit plus apaisé dans les relations entre artistes et label il faut que les parties comprennent les enjeux, qu’ils soient francs et transparents et surtout qu’ils s’en tiennent au respect des clauses contractuelles.

Voici en ces quelques lignes ma petite contribution qui ne fait certainement pas office de parole d’évangile. 

Humblement votre

Fanfan MONGBONDO

Dans l’industrie musicale, l’A&R (abréviation d’Artists and Répertoire) est une division d’un label discographique responsable de la découverte de nouveaux artistes ou de groupes à qui proposer un contrat.

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